L’urgence est présumée si l’administration met en demeure de démolir

Conseil d’État, 11 décembre 2023, SCI Brunetière, n°470207, B

3. Eu égard à la gravité des conséquences qu'emporte une mise en demeure, prononcée en application de l'article L. 481-1 du code de l'urbanisme, lorsqu'elle prescrit une mise en conformité qui implique nécessairement la démolition de constructions, la condition d'urgence est en principe satisfaite en cas de demande de suspension de son exécution présentée, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, par le propriétaire de l'immeuble qui en est l'objet. Il ne peut en aller autrement que dans le cas où l'autorité administrative justifie de circonstances particulières faisant apparaître, soit que l'exécution de la mesure de démolition n'affecterait pas gravement la situation du propriétaire, soit qu'un intérêt public s'attache à l'exécution rapide de cette mesure.

L’article L. 481-1 du code de l’urbanisme a été créé par la loi n°2019-1461 du 27 décembre 2019 relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique.

Il dispose :

I.-Lorsque des travaux mentionnés aux articles L. 421-1 à L. 421-5 ont été entrepris ou exécutés en méconnaissance des obligations imposées par les titres Ier à VII du présent livre et les règlements pris pour leur application ainsi que des obligations mentionnées à l'article L. 610-1 ou en méconnaissance des prescriptions imposées par un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou par la décision prise sur une déclaration préalable et qu'un procès-verbal a été dressé en application de l'article L. 480-1, indépendamment des poursuites pénales qui peuvent être exercées pour réprimer l'infraction constatée, l'autorité compétente mentionnée aux articles L. 422-1 à L. 422-3-1 peut, après avoir invité l'intéressé à présenter ses observations, le mettre en demeure, dans un délai qu'elle détermine, soit de procéder aux opérations nécessaires à la mise en conformité de la construction, de l'aménagement, de l'installation ou des travaux en cause aux dispositions dont la méconnaissance a été constatée, soit de déposer, selon le cas, une demande d'autorisation ou une déclaration préalable visant à leur régularisation.

II.-Le délai imparti par la mise en demeure est fonction de la nature de l'infraction constatée et des moyens d'y remédier. Il peut être prolongé par l'autorité compétente, pour une durée qui ne peut excéder un an, pour tenir compte des difficultés que rencontre l'intéressé pour s'exécuter.

III.-L'autorité compétente peut assortir la mise en demeure d'une astreinte d'un montant maximal de 500 € par jour de retard.

L'astreinte peut également être prononcée, à tout moment, après l'expiration du délai imparti par la mise en demeure, le cas échéant prolongé, s'il n'y a pas été satisfait, après que l'intéressé a été invité à présenter ses observations.

Son montant est modulé en tenant compte de l'ampleur des mesures et travaux prescrits et des conséquences de la non-exécution.

Le montant total des sommes résultant de l'astreinte ne peut excéder 25 000 €.

On se rappelle que le Conseil d’État avait précisé à l’égard de cette disposition (Conseil d’État, 22 décembre 2022, Commune de Villeneuve-lès-Maguelone, n°463331, A) :

3. Il résulte de ces dispositions, éclairées par les travaux parlementaires préalables à l'adoption de la loi du 27 décembre 2019 relative à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique dont elles sont issues, que, dans le but de renforcer le respect des règles d'utilisation des sols et des autorisations d'urbanisme, le législateur a entendu, que, lorsqu'a été dressé un procès-verbal constatant que des travaux soumis à permis de construire, permis d'aménager, permis de démolir ou déclaration préalable ou dispensés, à titre dérogatoire, d'une telle formalité ont été entrepris ou exécutés irrégulièrement, l'autorité compétente pour délivrer l'autorisation d'urbanisme puisse, dans le cadre de ses pouvoirs de police spéciale et indépendamment des poursuites pénales qui peuvent être exercées pour réprimer l'infraction constatée, mettre en demeure l'intéressé, après avoir recueilli ses observations, selon la nature de l'irrégularité constatée et les moyens permettant d'y remédier, soit de solliciter l'autorisation ou la déclaration nécessaire, soit de mettre la construction, l'aménagement, l'installation ou les travaux en cause en conformité avec les dispositions dont la méconnaissance a été constatée, y compris, si la mise en conformité l'impose, en procédant aux démolitions nécessaires. Cette mise en demeure peut être assortie d'une astreinte, prononcée dès l'origine ou à tout moment après l'expiration du délai imparti par la mise en demeure, s'il n'y a pas été satisfait, en ce cas après que l'intéressé a de nouveau été invité à présenter ses observations.

Pour rappel, l’article L. 521-1, 1er alinéa du code de justice administrative dispose :

Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision.

Le Conseil d’État, dans l’arrêt SCI Brunetière, nous précise que dans l’hypothèse où l’autorité compétente a mis en demeure le pétitionnaire de se mettre en conformité avec la règle ou l’autorisation qui n’a pas été respectée sur le fondement de l’article L. 481-1 du code de l’urbanisme, et que cette mise en demeure implique nécessairement de procéder à des démolitions, comme cette disposition le permet nous a dit le Conseil d’État dans son arrêt Commune de Villeneuve-lès-Maguelone, alors la condition d’urgence à laquelle est soumis l’exercice d’un référé suspension est présumée.

Cette présomption peut être renversé dans deux hypothèses :

  • Si l’administration apporte la preuve que, compte-tenu des circonstances particulières de l’espèce, la démolition n’affecterait pas gravement la situation du propriétaire-requérant,

  • Soit qu’un intérêt public s’attache à l’exécution rapide de cette mesure.

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