En matière de lotissement, on se désintéresse du reliquat pour mieux densifier

Conseil d’État, 29 novembre 2023, Association de défense de l’environnement du parc de Maison-Laffite, n°470788, B :

3. Il résulte de ces dispositions que la division en propriété ou en jouissance d'une unité foncière constitue un lotissement dès lors que l'un au moins des terrains issus de cette division est destiné à être bâti. Le périmètre du lotissement peut ainsi, au choix du lotisseur, ne comprendre qu'un unique lot à bâtir ou comprendre, avec un ou des lots à bâtir, des parties déjà bâties de l'unité foncière. Il en résulte également que ne constitue pas un lotissement le détachement d'un terrain supportant un ou plusieurs bâtiments qui ne sont pas destinés à être démolis, y compris lorsqu'est envisagée l'extension, même significative, de l'un de ces bâtiments, le cas échéant après démolition d'une partie de celui-ci, ou la construction d'annexes à ces bâtiments.

(…)

4. Aux termes de l'article L. 421-6 du code de l'urbanisme : " Le permis (...) d'aménager ne peut être accordé que si les travaux projetés sont conformes aux dispositions législatives et réglementaires relatives à l'utilisation des sols, à l'implantation, la destination, la nature, l'architecture, les dimensions, l'assainissement des constructions et à l'aménagement de leurs abords et s'ils ne sont pas incompatibles avec une déclaration d'utilité publique ". Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le périmètre du lotissement créé avenue de Wagram est limité au seul terrain destiné à être bâti, correspondant à la parcelle cadastrée section AR n° 108, la société Longueil Invest n'ayant, comme il lui était loisible de le faire en application des dispositions de l'article L. 442-1-2 du code de l'urbanisme, pas choisi d'y inclure le terrain déjà bâti, correspondant à la parcelle cadastrée section AR n° 107, également issue de la division de l'unité foncière. Il résulte de ce qui a été dit au point 3 que le tribunal administratif n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que la conformité aux règles d'urbanisme de la construction existante située sur le terrain déjà bâti, issu de la division mais non inclus dans le périmètre du lotissement, n'avait pas à être vérifiée pour délivrer le permis d'aménager sollicité, l'appréciation de la conformité aux règles d'urbanisme d'un projet de constructions faisant l'objet d'une demande de permis d'aménager un lotissement ne pouvant porter que sur les terrains inclus dans le périmètre de ce lotissement, sans que les dispositions du règlement de la zone UH du plan local d'urbanisme de Maisons-Laffitte en vertu desquelles " dans le cas d'un lotissement (...), les règles édictées par le plan local d'urbanisme s'appliquent à chacun des terrains issus de la division (...) " puissent avoir pour objet ou pour effet d'y déroger.

Le pourvoi porte sur deux affaires jointes.

  1. Dans le premier dossier, il s’agissait de la division, au moyen d’un permis d’aménager, d’une parcelle en deux fonds : le premier supportant deux constructions existantes (fond A) et le second destiné à être bâti (lot B).

  1. Dans le second dossier, il s’agissait de la division d’une parcelle en deux fonds, au moyen d’un permis de construire valant déclaration préalable de lotissement. Le premier fond supportant une construction destinée à être partiellement démolie et étendue, le second fond supportant une autre construction existante sans travaux prévus.

L’article L. 442-1 du code de l’urbanisme dispose :

Constitue un lotissement la division en propriété ou en jouissance d'une unité foncière ou de plusieurs unités foncières contiguës ayant pour objet de créer un ou plusieurs lots destinés à être bâtis.

  1. Sur le premier cas : détachement d’un lot et reliquat comportant une ou des constructions existantes devenant irrégulières après réalisation de la division

L’article L. 442-1-2 du même code précise :

Le périmètre du lotissement comprend le ou les lots destinés à l'implantation de bâtiments ainsi que, s'ils sont prévus, les voies de desserte, les équipements et les espaces communs à ces lots. Le lotisseur peut toutefois choisir d'inclure dans le périmètre du lotissement des parties déjà bâties de l'unité foncière ou des unités foncières concernées.

Cet article a été créé par l’ordonnance n°2011-1916 du 22 décembre 2011 relative à certaines corrections à apporter au régime des autorisations d'urbanisme. Le rapport au président de la République précise concernant la création de cette disposition :

L'article L. 442-1-2, qui est également une disposition nouvelle, définit le périmètre du lotissement. Il s'agit de préciser clairement que le périmètre du lotissement doit inclure les lots à bâtir, les voies de desserte, les équipements et les espaces communs à ces lots mais peut également inclure, au choix du lotisseur, tout ou partie du reliquat bâti de l'unité ou des unités foncières. Il s'agit ainsi de laisser la possibilité au lotisseur de gérer de manière souple les droits à construire dans le lotissement et de faciliter les projets denses.

Au cas présent, le projet portait sur le détachement d’un terrain qui était destiné à être bâti. Il convient de préciser que le lotisseur s’est vu opposer trois refus antérieurement à l’octroi de ce permis d’aménager et ce au motif que le fond A, après détachement, méconnaissait les dispositions du règlement du plan local d’urbanisme applicable sur le territoire de cette commune, notamment celles relatives à l’emprise au sol et aux espaces verts.

En d’autres termes, le détachement d’une portion de cette parcelle rendait le reliquat irrégulier.

Pour contourner le problème, le pétitionnaire s’est appuyé sur l’article L. 442-1-2 du code de l’urbanisme pour justifier que ce reliquat n’entrant pas dans le terrain d’assiette du lotissement, alors le maire n’avait pas à vérifier la conformité au règlement du plan local d’urbanisme de ce reliquat, conformément à l’article L. 421-6 du code de l’urbanisme.

Ce premier cas est donc une illustration de l’application combinée des articles L. 442-1-2, R. 441-1 et L. 421-6 du code de l’urbanisme.

La cour administrative d’appel de Marseille avait déjà pu se prononcer en ce sens (Cour administrative d’appel de Marseille, 29 juin 2021, n°19MA00260, C) :

10. Dans l'hypothèse où la demande de permis d'aménager ou la déclaration préalable porte sur la création d'un lotissement dont le périmètre n'inclut pas les parties déjà bâties de l'unité foncière concernée, le respect des règles d'urbanisme doit être apprécié au regard de la seule partie de l'unité foncière comprise dans le périmètre du lotissement projeté.

Là où l’arrêt a un apport, c’est dans le cadre des développements au paragraphe 4, lorsque le juge du Conseil d’État nous indique que l’appréciation du projet de construction prévue dans le cadre d’une opération de lotissement, c’est-à-dire une appréciation commune de Pia (Conseil d’État, 22 février 2016, Commune de Pia, n°383079, B) ne s’applique qu’aux terrains compris dans le terrain d’assiette du lotissement, à l’exclusion des reliquats.

Cette approche est conforme à la volonté de densifier puisque ce sont les règles relatives à l’emprise, aux espaces verts, peut être aux distances par rapport aux limites séparatives qui vont en pâtir mais au détriment de la volonté d’aménagement urbain manifesté dans le plan local d’urbanisme et au détriment nécessairement des espaces de respiration dans les milieux urbains.

2. Sur le second cas : la division non constitutive de lotissement au titre de l’article R. 442-1, point e) du code de l’urbanisme malgré les importantes modifications de la construction existante, dont sa démolition partielle

L’article L. 442-1-1 du code de l’urbanisme dispose :

Un décret en Conseil d'Etat énumère les divisions en vue de construire qui, en fonction de leur objet particulier ou par suite de leur contrôle au titre d'une autre procédure, ne sont pas constitutives d'un lotissement au sens de l'article L. 442-1.

L’article R. 442-1, point e) du même code dispose :

Ne constituent pas des lotissements au sens du présent titre et ne sont soumis ni à déclaration préalable ni à permis d'aménager :

(…)

e) Les détachements de terrains supportant des bâtiments qui ne sont pas destinés à être démolis ;

Les faits ne sont pas clairs mais il semblerait que le pétitionnaire disposait d’une parcelle comprenant plusieurs constructions. Il a effectué des travaux sur l’une de ces constructions, a détaché un terrain comprenant une construction sur laquelle aucuns travaux n’ont été effectués à ce stade par le biais d’une déclaration préalable de division et ait déposé un permis de construire sur ce terrain pour démolir une portion de la villa, l’étendre de manière significative et bâtir une annexe.

En première instance, le juge s’est appuyé sur l’article R. 442-1, point e) du code de l’urbanisme pour considérer qu’il n’était pas question d’un lotissement puisque la division avait pour effet de diviser l’unité foncière en deux terrains supportant des constructions qui n’étaient pas destinés à être démolies.

Le Conseil d’État nous indique que le juge de première instance n’a pas commis d’erreur de droit en indiquant que cette opération n’était pas un lotissement.

Cela permet d’éclairer les dispositions de l’article R. 442-1, point e) du code de l’urbanisme qui s’appliquent alors même qu’une des constructions situées sur un des terrains détaché a vocation à être partiellement démolie et significativement modifiée.

De plus, le juge précise que le respect des règles d’urbanisme n’avait pas à être vérifié sur le reliquat puisqu’il n’était pas inclus dans le périmètre du “lotissement”.

Pour aller plus loin, je recommande l’article de Béatrice Arnould et Emmanuel Wormser (Béatrice Arnould, Emmanuel Wormser, Le choix du périmètre du lotissement, stratégique pour l’aménageur, subi par la collectivité ?, Revue Construction-Urbanisme n° 2 février 2022).

Crédit photo : Film42

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