Les communes ou EPCI compétents n’ont pas l’obligation de réaliser des réseaux d’évacuation pour absorber l’ensemble des eaux pluviales ruisselant sur leur territoire

Conseil d’État, 11 février 2022, M. et Mme G., n°449831, (B)

2. En premier lieu, si le maître de l'ouvrage est responsable, même en l'absence de faute, des dommages que les ouvrages publics dont il a la garde peuvent causer aux tiers tant en raison de leur existence que de leur fonctionnement, ce régime de responsabilité ne s'applique pas aux préjudices subis du fait de l'absence d'ouvrage public. Par suite, en jugeant, pour rejeter les conclusions des requérants tendant, sur le fondement de la responsabilité sans faute des personnes publiques en raison des dommages subis par les tiers du fait des ouvrages publics, à la condamnation de la commune à réparer les préjudices qu'ils subissent du fait de l'augmentation du volume des eaux de ruissellement sur leur propriété qu'ils attribuent à l'imperméabilisation du sol résultant de la réalisation, en amont de leur propriété, d'un lotissement d'initiative privée, d'une part, que ce phénomène ne constituait pas en lui-même une opération de travaux publics dont la commune de Pont-Salomon devrait supporter les conséquences dommageables pour les tiers, d'autre part, qu'aucun ouvrage public appartenant à la commune de Pont-Salomon n'était incriminé par M. et Mme G..., la cour administrative d'appel n'a ni commis d'erreur de droit, ni inexactement qualifié les faits de l'espèce.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales : " La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : / (...) / 5° Le soin de prévenir, par des précautions convenables, et de faire cesser, par la distribution des secours nécessaires, les accidents et les fléaux calamiteux ainsi que les pollutions de toute nature, tels que (...), les inondations (...) et, s'il y a lieu, de provoquer l'intervention de l'administration supérieure (...) ". L'article L. 2226-1 du même code dispose que " la gestion des eaux pluviales urbaines correspondant à la collecte, au transport, au stockage et au traitement des eaux pluviales des aires urbaines constitue un service public administratif relevant des communes, dénommé service public de gestion des eaux pluviales urbaines. " Aux termes de l'article R. 2226-1 de ce code, la commune ou l'établissement public compétent chargé du service public de gestion des eaux pluviales " assure la création, l'exploitation, l'entretien, le renouvellement et l'extension de ces installations et ouvrages ainsi que le contrôle des dispositifs évitant ou limitant le déversement des eaux pluviales dans ces ouvrages publics (...) ".

4. D'une part, si les dispositions précitées confient au maire le soin d'assurer la sécurité et la salubrité publiques en prévenant notamment les inondations par des mesures appropriées et instituent un service public administratif de gestion des eaux pluviales urbaines dans les zones identifiées par les documents d'urbanisme comme " urbanisées et à urbaniser ", elles n'ont ni pour objet ni ne sauraient avoir pour effet d'imposer aux communes et aux communautés de communes compétentes la réalisation de réseaux d'évacuation pour absorber l'ensemble des eaux pluviales ruisselant sur leur territoire. Par suite, la cour administrative d'appel n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'impose aux communes de recueillir l'ensemble des eaux de pluie transitant sur leur territoire. D'autre part, en déduisant également de ces dispositions que la commune de Pont-Salomon n'avait commis aucune faute dès lors qu'il résultait des certificats délivrés par le préfet de la Haute-Loire les 24 janvier 1981 et 9 juin 1982 que la prescription tenant à la mise en place d'un réseau d'évacuation des eaux pluie par des canalisations d'un diamètre de 400 mm à laquelle étaient subordonnées les autorisations de lotir en amont de la propriété de M. et Mme G..., avait été exécutée, et alors qu'il n'était pas allégué que la mise en place d'autres équipements était nécessaire pour assurer la sécurité des personnes et des biens, la cour n'a pas plus commis d'erreur de droit.

Cet arrêt porte sur les contentieux indemnitaires liés à la gestion des eaux pluviales.

Ces contentieux ont tendance à augmenter en lien avec l’augmentation de l’artificialisation des sols au cours de ces dernières décennies.

Il écarte dans un premier temps la responsabilité pour dommage permanent lié à l’absence d’un ouvrage public, il s’agit en l’espèce d’un réseau collecteur des eaux pluviales au sein du lotissement privé situé en surplomb du terrain des requérants.

Pour une analyse bien plus poussée du régime de la responsabilité mis en oeuvre par le Conseil d’État dans le cadre de cet arrêt, je vous renvoie à l’article détaillé du professeur Gweltaz EVEILLARD (La responsabilité du fait de l’absence d’un ouvrage public, Gweltaz EVEILLARD, Droit administratif, n°5, mai 2022).

L’autre apport de cet arrêt a trait à la responsabilité de la collectivité pour faute en raison de l’exercice de son pouvoir de police, ou plutôt de l’absence d’exercice de ce pouvoir de police.

Pour rappel, nul n’a droit sauf texte contraire, à la réalisation de travaux publics (Conseil d’État, 14 décembre 1946, Ville de Royan ; Conseil d’État, 2 mars 1984, Syndicat intercommunal de l’Huveaune, n°35524).

Dit autrement, la faute est constituée quand un texte législatif ou règlementaire impose la réalisation d’un ouvrage ou de travaux publics et que l’autorité administrative concernée s’en abstient.

La responsabilité de l’autorité titulaire du pouvoir de police peut également être engagée quand la réalisation des travaux est nécessaire pour satisfaire aux exigences de la sécurité ou de la salubrité publiques (Conseil d’État, 18 décembre 1931, n°6991).

En résumé, la réalisation de travaux publics ou l’édification d’un ouvrage public est libre sauf si elle est imposée par un texte ou si elle est nécessaire pour assurer la sécurité ou la salubrité publiques.

Pour rappel, l’article L. 2212-2, point 5° du code général des collectivités territoriales dispose :

La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment :

(…)

5° Le soin de prévenir, par des précautions convenables, et de faire cesser, par la distribution des secours nécessaires, les accidents et les fléaux calamiteux ainsi que les pollutions de toute nature, tels que les incendies, les inondations, les ruptures de digues, les éboulements de terre ou de rochers, les avalanches ou autres accidents naturels, les maladies épidémiques ou contagieuses, les épizooties, de pourvoir d'urgence à toutes les mesures d'assistance et de secours et, s'il y a lieu, de provoquer l'intervention de l'administration supérieure ;

L’article L. 2226-1 du code général des collectivités territoriales dispose :

La gestion des eaux pluviales urbaines correspondant à la collecte, au transport, au stockage et au traitement des eaux pluviales des aires urbaines constitue un service public administratif relevant des communes, dénommé service public de gestion des eaux pluviales urbaines.

Le service de gestion des eaux pluviales urbaines assure le contrôle du raccordement des immeubles au réseau public de collecte des eaux pluviales urbaines et du respect des prescriptions fixées en application du dernier alinéa de l'article L. 1331-1 du code de la santé publique et par le zonage défini aux 3° et 4° de l'article L. 2224-10 du présent code ainsi que par les règlements en vigueur. Les modalités d'exécution de ce contrôle sont précisées par délibération du conseil municipal.

Un décret en Conseil d'Etat précise les modalités d'application du présent article.

L’article R. 2226-1 du même code dispose :

La commune ou l'établissement public compétent chargé du service public de gestion des eaux pluviales urbaines, mentionné à l'article L. 2226-1 :

1° Définit les éléments constitutifs du système de gestion des eaux pluviales urbaines en distinguant les parties formant un réseau unitaire avec le système de collecte des eaux usées et les parties constituées en réseau séparatif. Ces éléments comprennent les installations et ouvrages, y compris les espaces de rétention des eaux, destinés à la collecte, au transport, au stockage et au traitement des eaux pluviales ;

2° Assure la création, l'exploitation, l'entretien, le renouvellement et l'extension de ces installations et ouvrages ainsi que le contrôle des dispositifs évitant ou limitant le déversement des eaux pluviales dans ces ouvrages publics.

Lorsqu'un élément du système est également affecté à un autre usage, le gestionnaire du service public de gestion des eaux pluviales urbaines recueille l'accord du propriétaire de cet ouvrage avant toute intervention.

Au visa de ces articles, le Conseil d’État indique qu’ils instituent un service public administratif de gestion des eaux pluviales dans les zones identifiées comme urbanisées ou à urbaniser au sein des documents d’urbanisme (zones U et AU dans les plans locaux d’urbanisme).

Il précise pour autant que ces dispositions n’ont pas pour objet ni pour effet d’imposer aux communes et aux communautés de communes compétentes la réalisation de réseaux d’évacuation pour absorber l’ensemble des eaux pluviales ruisselant sur leur territoire.

Ainsi, en d’autres termes, l’autorité compétente ne commet pas une faute, puisqu’aucun texte ne l’impose, en s’abstenant de mettre oeuvre des travaux publics ou en ne réalisant pas les ouvrages nécessaires à la gestion de l’ensemble des eaux pluviales sur son territoire.

Les inondations de l’espèce ne présentaient de plus, pas de risque pour la sécurité des biens et des personnes.

Un mot sur la compétence, et pour rappel, la loi n°2018-702 a modifié la loi NOTRe en ce qui concerne la répartition des compétences entre les communes et les communautés de communes.

La compétence en matière d’assainissement des eaux usées relève de la compétence de la communauté de communes, au plus tard au 1er janvier 2026 tandis que la compétence gestion des eaux pluviales reste de la compétence des communes, lesquelles peuvent les transférer à une communauté de communes de manière facultative.

Crédit photo: Markus Distelrath

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