Pas de changement de propriété ou de jouissance à la date à laquelle l’autorité administrative se prononce sur le PC, pas de lotissement, pas de lotissement, pas de cristallisation

Conseil d’État, 13 juin 2022, M. et Mme B., n°452457, (B) :

4. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société La Garriguette a adressé au maire de Bormes-les-Mimosas une déclaration préalable de division de la parcelle cadastrée section AD n° 133 en deux lots, en vue de construire sur l'un d'eux, l'autre supportant une villa. Par un arrêté du 28 avril 2015, le maire de cette commune ne s'est pas opposé à cette déclaration préalable. Toutefois, ainsi que l'a relevé la cour, la société La Garriguette, qui entendait conserver la propriété de l'ensemble de la parcelle dont elle avait préalablement déclaré la division et sollicitait le permis litigieux pour son propre compte, en vue de la location saisonnière de la construction projetée, n'avait, à la date du permis de construire, pas procédé à la cession dont aurait résulté la division. Dès lors, en l'absence de tout transfert de propriété ou de jouissance, elle ne pouvait se prévaloir, à l'occasion de cette demande de permis de construire, des droits attachés, en vertu de l'article L. 442-14 du code de l'urbanisme cité ci-dessus, au lotissement autorisé, dont le projet de construction ne pouvait relever. Par suite, en jugeant que la règle posée à l'article L. 442-14 s'appliquait à l'arrêté litigieux, pour en déduire que sa légalité devait être appréciée au regard des règles du plan local d'urbanisme approuvé le 28 mars 2011 et non de celles du plan approuvé le 17 décembre 2015, la cour a commis une erreur de droit.

La société La Garriguette a obtenu une déclaration préalable de division en vue de bâtir en 2015.

Cependant, la société ne comptait pas transférer la jouissance ou la propriété de cette parcelle détachée puisqu’elle souhaitait louer la maison avec piscine qu’elle voulait bâtir sur ce fonds.

Elle a déposé un permis de construire en 2015 puis un nouveau permis de construire en 2017 qui a fait l’objet d’un permis de construire modificatif quelques mois après sa délivrance, le tout pour le même projet.

Le tribunal administratif de Toulon a été saisi mais il a rejeté le recours.

La cour administrative d’appel de Marseille a annulé le jugement, annulé le permis de construire de 2017 en tant qu’il était vicié sur trois points : toiture, implantation et stationnements, en se fondant toutefois sur les dispositions du plan local d’urbanisme de la commune de Bormes-les-Mimosas applicables à la date du dépôt de la déclaration préalable de division, soit le PLU de 2011 et non le PLU de décembre 2015.

La cour a en effet appliqué la règle de cristallisation des règles d’urbanisme dans le cadre des lotissements, ce que le Conseil d’État censure dans cet arrêt.

L’article L. 442-1 du code de l’urbanisme dispose :

Constitue un lotissement la division en propriété ou en jouissance d'une unité foncière ou de plusieurs unités foncières contiguës ayant pour objet de créer un ou plusieurs lots destinés à être bâtis.

L’article L. 442-14, 1er alinéa du même code disposait alors :

Le permis de construire ne peut être refusé ou assorti de prescriptions spéciales sur le fondement de dispositions d'urbanisme nouvelles intervenues dans un délai de cinq ans suivant :

1° La date de la non-opposition à cette déclaration, lorsque le lotissement a fait l'objet d'une déclaration préalable ;

Selon le Conseil d’État, le projet de construction ne pouvait pas relever de la législation portant sur les lotissements puisque la division ne créait pas un lot car il ne s’agissait pas d’une division en propriété ou en jouissance d’une unité foncière.

Le pétitionnaire, à la date à laquelle il a déposé le permis de construire, n’avait pas procédé à cette division puisqu’il avait conservé tant la propriété que la jouissance de la parcelle détachée.

Le Conseil d’État a appliqué le même raisonnement que celui qu’il a appliqué dans son arrêt SCI 3, rue Jules-Gauthier (Conseil d’État, 12 novembre 2020, SCI 3, rue Jules-Gauthier, n°421590, A) :

3. Il résulte de ces dispositions que, par exception à la procédure de lotissement, la division d'une unité foncière prévue au a) de l'article R. 442-1 du code de l'urbanisme, dite " division primaire ", permet à un pétitionnaire de demander et d'obtenir un permis de construire sur une partie de l'unité foncière existante alors que la division du terrain n'est juridiquement pas réalisée, celle-ci étant destinée à être accomplie après l'obtention du permis de construire. Eu égard à l'objet de ce procédé permettant de combiner, pour les projets portant sur un groupe de bâtiments ou un immeuble autre qu'une maison individuelle destinés à occuper une partie de l'unité foncière existante, l'obtention de l'autorisation d'urbanisme nécessaire au projet et la division de l'unité foncière existante, le respect des règles d'urbanisme doit être apprécié au regard de l'ensemble de l'unité foncière existant à la date à laquelle l'administration statue sur la demande, bien que cette dernière soit informée de la division à venir. Dans l'hypothèse où, postérieurement à la division du terrain mais avant l'achèvement des travaux, le pétitionnaire dépose une demande de permis modificatif, il y a lieu d'apprécier la légalité de cette demande sans tenir compte des effets, sur le terrain d'assiette, de la division intervenue.

À la date à laquelle l’autorité administrative a statué sur le permis de construire, il n’y a pas eu de division puisque la propriété et la jouissance de la portion du terrain d’assiette n’a pas évolué.

À défaut de division, les règles d’urbanisme applicables à la demande de permis de construire s’appréciaient à l’échelle de l’unité foncière au sens de l’arrêt Commune de Chambéry ( Conseil d’État, 27 juin 2005, Commune de Chambéry, n°264667, B).

La cour administrative d’appel de Marseille ne s’y était pas trompée lorsqu’elle s’est prononcée sur la conformité du permis de construire aux dispositions de l’article R. 431-5 du code de l’urbanisme.

Elle a en effet jugé que le dossier de demande de permis de construire aurait dû porter sur l’unité foncière en son entier et pas uniquement le lot mais que cette erreur pouvait être écartée sur le fondement de l’arrêt Laurin (Conseil d’État, 23 décembre 2015, Laurin, n°393134, A).

Elle n’en avait simplement pas tiré toutes les conséquence lorsqu’elle a apprécié la conformité du permis de construire aux règles de fond en n’écartant pas également l’application des règles de l’article L. 442-14 du code de l’urbanisme et en appréciant alors le PC au regard du PLU de 2015, postérieur à la déclaration préalable.

Dit autrement, l’absence de réalisation du lotissement, malgré un arrêté devenu définitif qui autorise une division, fait obstacle à l’application des règles de critallisation.

Cette solution n’est pas sans rappeler la solution de l’arrêt M. et Mme Guillon-Cottard qui avait fixé la cristallisation des règles applicables à la date à laquelle le permis d’aménager avait été accordé mais pendant un délai de 5 ans à compter de la réception par l’administration de la déclaration attestant l’achèvement et la conformité des travaux (Conseil d’État, 19 juillet 2017, M. et Mme Guillon-Cottard, n°396775, B), c’est-à-dire la date à laquelle les dépôts des permis de construire sur les lots deviennent en principe possibles (Article R. 442-18 du code de l’urbanisme) :

4. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que le document d'urbanisme applicable aux demandes de permis de construire présentées dans le cadre d'un lotissement est celui en vigueur à la date à laquelle a été délivrée l'autorisation de lotir et ce, pendant un délai de cinq ans à compter de la réception, par l'administration, de la déclaration d'achèvement du lotissement ; que, durant ce délai, les dispositions des documents d'urbanisme intervenues postérieurement à l'autorisation de lotissement ne sont pas opposables aux demandes de permis de construire ; qu'est sans incidence sur le déclenchement de ce délai la circonstance que les dispositions réglementaires de l'article R. 462-6 du code de l'urbanisme, citées au point 3, prévoient la possibilité pour l'administration de contester, dans les conditions et limites qu'elles déterminent, la conformité des travaux ayant fait l'objet de cette déclaration d'achèvement ;

Crédit illustration : 0fjd125gk87

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