Un permis de construire modificatif déguisé reste un permis de construire modificatif et relève de la compétence du juge chargé de la vérification de la légalité du permis de construire initial

Conseil d’État, 15 décembre 2021, SCCV Viridis République, n°453316 (B)

3. Il résulte de ces dispositions que, lorsque le juge d'appel est saisi d'un appel contre un jugement d'un tribunal administratif ayant annulé un permis de construire en retenant l'existence d'un ou plusieurs vices entachant sa légalité et qu'un permis modificatif, une décision modificative ou une mesure visant à la régularisation de ces vices a été pris, seul le juge d'appel est compétent pour connaître de sa contestation dès lors que ce permis, cette décision ou cette mesure lui a été communiqué ainsi qu'aux parties. Par suite, si un recours pour excès de pouvoir a été formé contre ce permis, cette décision ou cette mesure devant le tribunal administratif, il incombe à ce dernier de le transmettre, en application des articles R. 351-3 et, le cas échéant, R. 345-2 du code de justice administrative, à la cour administrative d'appel saisie de l'appel contre le jugement relatif au permis initial.

Le tribunal administratif de Nancy est saisi de conclusions tendant à l’annulation d’un permis de construire portant sur 21 logements.

Conformément aux articles L. 600-5 et L. 600-5-1 du code de l’urbanisme, il vérifie si le permis peut être régularisé, conclut négativement à ce sujet et annule le permis.

Le pétitionnaire et la commune font appel de ce jugement.

Pendant ce temps, le maire est saisi d’une demande de permis de construire modificatif et après que le jugement a été rendu, il délivre un permis de construire nouveau portant sur 20 logements.

Ce qui indique manifestement que le maire était convaincu pour sa part que le permis pouvait être régularisé malgré l’opinion contraire du tribunal administratif.

Le tribunal administratif est saisi de requêtes des requérants initiaux à l’encontre de ce nouveau permis de construire et sa présidente transmet par ordonnances ces requêtes à la cour administrative d’appel de Nancy.

Il s’agit pourtant nécessairement d’un permis de construire nouveau. Le jugement a en effet annulé le permis de construire initial, l’appel n’est pas suspensif et à défaut de permis de construire, il ne peut pas y avoir de permis de construire modificatif.

La cour administrative d’appel de Nancy a donc hésité et sa présidente a saisi le Conseil d’État en application du second alinéa de l’article R. 353-1 du code de justice administrative :

Toutefois, en cas de difficultés particulières, il peut transmettre sans délai le dossier au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat qui règle la question de compétence et attribue le jugement de tout ou partie de l'affaire à la juridiction qu'il déclare compétente. (…)

Le Conseil d’État dresse une liste des points communs entre le permis initial et le nouveau permis de construire :

  • Même maire,

  • Délivré à la demande de la même société,

  • Qui vise à régulariser les vices retenus par le tribunal administratif pour annuler le permis de construire initial,

Le Conseil d’État l’assimile donc à un permis de construire modificatif en utilisant les termes “permis modificatif, une décision modificative ou une mesure visant à la régularisation de ces vices”.

Ainsi, sans se sentir lié par la nature juridique de cette décision, le juge l’interprète logiquement comme un permis de construire modificatif et transmet la vérification de sa capacité de régularisation au juge chargé de vérifier la légalité de la décision initiale.

Crédit photo: Braydon Anderson

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